Voici que l’heure s’incline, et me saisit
de son coup net et métallique.
Tous mes sens frémissent.
Je sens, je sais et saisis le jour dans sa masse.
Rien n’est trop petit pour que je ne l’aime
et je le peins, immense, sur fond d’or,
et je l’exalte sans savoir
qu’alors il libère une âme inconnue.
Je vis ma vie, formant des cercles toujours plus grands
qui s’élèvent au-dessus des choses.
Le dernier ne sera peut-être pas terminé
mais je veux l’amorcer.
Je tourne autour de Dieu, la tour immémoriale,
je tourne pendant des millénaires
ne sachant pas encore si je suis un faucon,
un ouragan ou un cantique immense.
Rainer Maria Rilke, Livre de la vie monastique, 1899 (début du Livre d’heures, 1905)